La boulangère.
Gentille boulangère,
Qui des dons de Cérès,
Sais d'une main légère
Nous donner du pain frais,
Des biens que tu nous livres
Doit-on se réjouir ?
Si ta main nous fait vivre,
Tes yeux nous font mourir.
De ta peau douce et fine
J'admire la fraîcheur ;
C'est la fleur de farine
Dans toute se blancheur:
On aime la tournure
Des petits pains au lait
Que la simple nature
A mis dans ton corset.
De ces pains, ma mignonne,
L'amour a toujours soin ;
Si tu ne les lui donnes,
Permets en le larcin ;
Mais tu ne veux m'entendre :
Tu ris de mes hélas !
Quand on veut du pain tendre,
Pourquoi ne l'être pas ?
D'une si bonne pâte
Ton coeur semble pétri !
Pourrait-il, jeune Agathe,
N'être pas attendri?
Ne sois plus si sévère,
Sois sensible à l'amour
Et permets-lui, ma chère,
D'aller cuire à ton four.
nicolas restif de la bretonne 1734-1806